Samedi 22 janvier

Ici, nous avons tous la même situation donc vous entendrez la même histoire.

Nous vivions dans une maison au centre de Cluj. Nous l’habitions tous ensemble depuis une vingtaine d’années. Le terrain appartenait aux militaires mais nous avons demandé pour pouvoir le louer. Nous avions un contrat de location et nous avons payé les loyers jusqu’au dernier moment !

Je suis née à Cluj et j’ai vécu 16 ans dans cette maison. Toute ma famille est de Cluj.

Nous avons appris que la mairie voulait nous expulser. Nous avons reçu l’avis quelques jours avant. On nous donnait jusqu’au 16 décembre avant 12h pour partir. La mairie prétextait que la maison était une zone insalubre mais ça n’a jamais été le cas !

Nous avons rétorqué en disant que nous étions dans la légalité mais nous avons appris que notre contrat de location s’était arrêté en 2009 !

Nous avons mal dormi la nuit du 15 au 16.

La mairie nous a mis dehors avec la force. Ils ont fait venir des cars de police et ils ont détruit la maison le jour même. Nous n’avons pas pu rassembler nos affaires. Ils ont mis le reste dehors sans nous aider à les transporter, c’est nous qui avons du organiser le transport.

La mairie a menti devant la presse en disant qu’ils n’avaient pas utilisé la force pour nous faire partir.

La mairie nous a donné des papiers en nous disant de nous rendre ici ou là mais nous n’avons jamais été reçus. On nous expliquait que nous serions relogés dans de meilleures conditions, mais nous n’avons jamais su où avant d’y être. Ils ne répondent pas à nos questions. Ils nous fermé leurs portes.

Ils m’ont obligée à changer ma carte d’identité qui était valable jusqu’en 2015. Maintenant j’ai une carte d’identité sans adresse et qui est valable jusqu’à la fin 2011.

A Pata Rat, ils nous ont dit que nous serions dans des logements modernes avec le confort. Sur la feuille de mon loyer on peut voir la liste des équipements : lavabo, douche etc. Ils nous ont dit que nous aurions 2 chambres et une cuisine par famille. Mais nous n’avons qu’une seule chambre avec la cuisine à l’intérieur ! Nous dormons à une dizaine de personnes par pièce. Nous dormons sur le sol et les enfants sur les lits. Nous devons nous partager deux toilettes et deux salles de bains pour quatre chambres, donc une quarantaine de personnes.

Et nous avons eu de la chance car les familles avec les enfants étaient prioritaires. Certaines personnes ont dû passer des nuits dehors. La mairie nous a dit qu’elle construirait de nouveaux logements… après deux semaines sans nouvelles, elle nous a dit que c’étaient finalement à nous de les construire. Elle nous a livré des morceaux de bois humides et sans outils. Nous ne savons même pas où construire les maisons, si c’est légal d’être sur un terrain ou un autre.

La mairie nous humilie et nous isole.

Au centre nous étions proches de tout : magasins, crèches et écoles, hôpital…

Il n’y a pas de transports publics. Il y a un bus scolaire pour les enfants qui passe à 7h55 en bas de la colline, il ne vient même pas jusqu’ici !

Certains doivent se lever à 4h du matin pour aller travailler. Lorsque l’on a besoin d’une ambulance, elle mets trois heures à arriver, personne ne veut venir ici.

L’air est suffocant, les enfants tombent souvent malades, ils ont des problèmes de bronches à cause des conditions de vie. Les murs et les plafonds sont humides, on sent les émanations des produits chimiques et de la décharge, il y a des moisissures et des champignons qui poussent dans les salles de bains.

Nous voulons que nos enfants aillent à l’école et qu’ils travaillent. Nous voulons qu’ils aient les mêmes possibilités que les autres.

Il y a beaucoup de différents types de communautés Roms mais nous sommes mis dans le même groupe. Les gens ne font pas ou ne veulent pas faire la différence. Il y a des discriminations dans le travail, moi je peux trouver du travail parce que je suis blanche de peau.

Les roumains ne nous aiment pas même si nous essayons de nous intégrer ! On est nés ici mais personne ne nous considère ! C’est du racisme. Nous sommes des personnes et non des animaux. Nous pourrions nous mettre à détester les roumains à notre tour.

Rien n’est sûr, ils peuvent venir ici avec leur bulldozer et tout détruire à nouveau.

Nous ne pouvons pas être fiers de notre pays. Si cette situation ne se résouds pas, je veux demander l’asile politique.

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