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Le Blog de CCEU
Une équipe d’artistes et de chercheurs va travailler en résidences aux côtés des habitants de Rennes, Cluj et Tarragona en vue de réaliser un ouvrage, un film documentaire, un site Internet et une exposition sur les migrations et les conditions de développement d’un dialogue interculturel en Europe. CCEU est un projet de coopération culturelle européenne entre l’ARCS, TOPIK, L’âge de la Tortue (France), PATRIR et AltART (Roumanie) ainsi que Ariadna et la Fundacio Casal L’Amic (Espagne).Archives
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Carnet de résidence 4 Cluj-Napoca : lundi 24 janvier 2011
Où en est le projet ? Mon questionnement ne porte pas sur le caractère plus ou moins abouti de nos travaux, ni sur le fait d’avoir atteint nos objectifs. L’état d’esprit des “résidents” n’est d’ailleurs pas à la formulation d’enseignements ou de conclusions ; nous sommes tous concentrés sur le travail en cours. Continue reading
Reunión en la Fabrica de Pensule, en la oficina de Alt’Art
Foto de la reunión en la Fabrica de Pensule, de casi todos los participantes en las residencias en Cluj.
Carnet de résidence 3 Cluj-Napoca : dimanche 23 janvier 2011
Ma première cartographie de résidence. Nous sommes donc hébergés dans deux appartements situés dans des immeubles en voisinage immédiat. Néanmoins, en raison du froid, le déplacement d’un logement à l’autre implique une vraie sortie, avec l’ensemble de l’équipement : bonnet, écharpe, gants… Continue reading
Un dimanche à la messe
L’actualité du blog a été bien prise par nos rencontres avec les gens de Pata Rat. Notre équipe se retrouve au cœur d’une histoire violente et chacun tente de retranscrire avec sa sensibilité. Nous débattons entre nous de la plus juste manière de le faire tout en préservant le cadre de travail des Correspondances Citoyennes.
Pascal parle d’un « groupe des Correspondances ». Son expression prend son sens dans l’expérience qui nous a unis. Nous avons partagé les mêmes émotions face à la situation de ces familles. Nous pouvons réagir ensemble, réaliser une correspondance qui compilerait les travaux de chacun et que l’on adresserait à diverses institutions et médias. Il me semble que ce serait expérimenter le projet jusqu’au bout…
Cette question reste en suspens et en débat constant dans notre équipe, je fais de même sur ce blog.
Je continue de travailler sur la thématique des femmes. Paloma est intéressée par ce que sont et ce que vivent les femmes au sein de la religion orthodoxe. Je suis donc allée à la messe avec Laura Sandu ce dimanche. L’idée était d’y rencontrer des jeunes femmes qui puissent me parler de religion. J’avais déjà fait quelques petites incursions dans les églises orthodoxes de Cluj pour trouver des images de la Vierge. Les églises orthodoxes sont très belles, peintes à la fois à l’intérieur et à l’extérieur.
Murs et plafonds recouverts de saints, de scènes de la bible, sans oublier Jésus et Marie, et parfois Dieu lui-même, très peu de blancheur dans ces lieux et pourtant on à l’impression d’être au cœur du monde. Il n’y pas ce sentiment de cérémonial propre à la messe chez les catholiques… Ici les gens vont et viennent, discutent entre eux pendant que le prêtre psalmodie et que trois jeunes hommes reprennent en chantant les litanies. Les hommes sont assis à droite et les femmes à gauche.
Au niveau du transept il y a l’Altar, un endroit sacré réservé aux prêtres et interdit aux femmes. L’Altar est séparé du reste de l’église par un grand panneau de bois doré couvert d’icônes représentant les personnages religieux. Si vous levez la tête au niveau de l’Altar, vous verrez Jésus au dessus de vous. Il occupe toute la coupole supérieure de l’église et vous fait signe de ses deux doigts repliés.
Laura et moi avons eu une éducation religieuse, elle pratiquante et orthodoxe, moi plutôt spirituelle et catholique. Nous avons cessé de croire à peu près au même âge mais j’ai senti que nous étions prises malgré nous dans la ferveur du groupe. Il y a quelque chose d’hypnotique à se laisser porter par la voix du prêtre, l’odeur des encens, tous ces saints qui vous regardent… Mon âme est sensible à ces ambiances mystiques en dépit de mon athéisme convaincu…
Pas évident pour nous que de courir après les femmes pour leur poser des questions sur la religion ! Nous avons essuyé quelques revers à la sortie de l’église… mais nous avons rencontrés Diana et Cosmina, des jumelles absolument enchantées de pouvoir parler de religion… et en français ! La chance me sourit, j’ai rendez-vous avec elles lundi soir.
En quittant l’église, Laura m’explique avec un sourire en coin que le prêtre chante l’histoire d’une femme qui tombe enceinte et qui attends un fils.
La femme attend toujours un fils !
Carnet de résidence 2 Cluj-Napoca : samedi 22 janvier 2011
Nous avions prévu de partir vers 10h pour le quartier de Pata Rat, retrouver Rita et sa famille ; ils ont été expulsés de leur logement du centre-ville et sont contraints de vivre maintenant dans un quartier excentré. L’arrivée de Sanyi accélère nos préparatifs. Continue reading
Samedi 22 janvier
Ici, nous avons tous la même situation donc vous entendrez la même histoire.
Nous vivions dans une maison au centre de Cluj. Nous l’habitions tous ensemble depuis une vingtaine d’années. Le terrain appartenait aux militaires mais nous avons demandé pour pouvoir le louer. Nous avions un contrat de location et nous avons payé les loyers jusqu’au dernier moment !
Je suis née à Cluj et j’ai vécu 16 ans dans cette maison. Toute ma famille est de Cluj.
Nous avons appris que la mairie voulait nous expulser. Nous avons reçu l’avis quelques jours avant. On nous donnait jusqu’au 16 décembre avant 12h pour partir. La mairie prétextait que la maison était une zone insalubre mais ça n’a jamais été le cas !
Nous avons rétorqué en disant que nous étions dans la légalité mais nous avons appris que notre contrat de location s’était arrêté en 2009 !
Nous avons mal dormi la nuit du 15 au 16.
La mairie nous a mis dehors avec la force. Ils ont fait venir des cars de police et ils ont détruit la maison le jour même. Nous n’avons pas pu rassembler nos affaires. Ils ont mis le reste dehors sans nous aider à les transporter, c’est nous qui avons du organiser le transport.
La mairie a menti devant la presse en disant qu’ils n’avaient pas utilisé la force pour nous faire partir.
La mairie nous a donné des papiers en nous disant de nous rendre ici ou là mais nous n’avons jamais été reçus. On nous expliquait que nous serions relogés dans de meilleures conditions, mais nous n’avons jamais su où avant d’y être. Ils ne répondent pas à nos questions. Ils nous fermé leurs portes.
Ils m’ont obligée à changer ma carte d’identité qui était valable jusqu’en 2015. Maintenant j’ai une carte d’identité sans adresse et qui est valable jusqu’à la fin 2011.
A Pata Rat, ils nous ont dit que nous serions dans des logements modernes avec le confort. Sur la feuille de mon loyer on peut voir la liste des équipements : lavabo, douche etc. Ils nous ont dit que nous aurions 2 chambres et une cuisine par famille. Mais nous n’avons qu’une seule chambre avec la cuisine à l’intérieur ! Nous dormons à une dizaine de personnes par pièce. Nous dormons sur le sol et les enfants sur les lits. Nous devons nous partager deux toilettes et deux salles de bains pour quatre chambres, donc une quarantaine de personnes.
Et nous avons eu de la chance car les familles avec les enfants étaient prioritaires. Certaines personnes ont dû passer des nuits dehors. La mairie nous a dit qu’elle construirait de nouveaux logements… après deux semaines sans nouvelles, elle nous a dit que c’étaient finalement à nous de les construire. Elle nous a livré des morceaux de bois humides et sans outils. Nous ne savons même pas où construire les maisons, si c’est légal d’être sur un terrain ou un autre.
La mairie nous humilie et nous isole.
Au centre nous étions proches de tout : magasins, crèches et écoles, hôpital…
Il n’y a pas de transports publics. Il y a un bus scolaire pour les enfants qui passe à 7h55 en bas de la colline, il ne vient même pas jusqu’ici !
Certains doivent se lever à 4h du matin pour aller travailler. Lorsque l’on a besoin d’une ambulance, elle mets trois heures à arriver, personne ne veut venir ici.
L’air est suffocant, les enfants tombent souvent malades, ils ont des problèmes de bronches à cause des conditions de vie. Les murs et les plafonds sont humides, on sent les émanations des produits chimiques et de la décharge, il y a des moisissures et des champignons qui poussent dans les salles de bains.
Nous voulons que nos enfants aillent à l’école et qu’ils travaillent. Nous voulons qu’ils aient les mêmes possibilités que les autres.
Il y a beaucoup de différents types de communautés Roms mais nous sommes mis dans le même groupe. Les gens ne font pas ou ne veulent pas faire la différence. Il y a des discriminations dans le travail, moi je peux trouver du travail parce que je suis blanche de peau.
Les roumains ne nous aiment pas même si nous essayons de nous intégrer ! On est nés ici mais personne ne nous considère ! C’est du racisme. Nous sommes des personnes et non des animaux. Nous pourrions nous mettre à détester les roumains à notre tour.
Rien n’est sûr, ils peuvent venir ici avec leur bulldozer et tout détruire à nouveau.
Nous ne pouvons pas être fiers de notre pays. Si cette situation ne se résouds pas, je veux demander l’asile politique.
Carnet de résidence 1 Cluj-Napoca : vendredi 21 janvier 2011
J’ai quitté Montpellier en TGV jeudi vers 20h30. Mon vol ne décollait de Lyon Saint-Exupéry qu’à 6h30 le lendemain matin et j’avais prévu de passer la nuit à l’aéroport. Je n’ai pas eu envie de réserver une chambre d’hôtel pour ces quelques heures. Vers minuit, l’aéroport a commencé à se vider et nous nous sommes retrouvés trois personnes à dormir sur place. La nuit a été un peu étrange dans ce hall d’aéroport déserté Continue reading
Mercredi 19 janvier
Les jours passent de manière discontinue…
C’est étrange comme certains jours semblent être immobiles, dans le sens où j’ai l’impression qu’il ne se passe rien d’encourageant pour mes recherches; et d’autres sont si intenses que l’on se retrouve trop rapidement dans son lit le soir…
Ce mercredi est un de ce jours intenses. Avec Nani, nous sommes allés à une manifestation organisée pour les familles Roms. Ils réclamaient une entrevue avec le maire Sorin Apostu. Ils exigeaient d’être entendus et considérés comme des “cetăţean”, des citoyens. J’y ai rencontré Maria, une grand-mère de Pata Rat, ainsi que Nicoleta et Andréa, deux étudiantes venues à Cluj pour les études.
Nous avons pu nous rendre le soir même à Pata Rat. Nani, Romain, Laura la traductrice et moi même. Nous sommes arrivés à la tombée de la nuit, après être sortis de la ville, après avoir traversé une zone indéfinissable où se mêlaient de grands hangars d’insdustries modernes et des baraques en bois. Ensuite il faut monter sur la colline en longeant la décharge. Le “lotissement” est constitué d’une “rue” centrale avec de chaque côté 6 ou 5 maisons.
C’est Sebesi Titisor qui nous reçus et introduit chez lui. Nous-nous sommes retrouvés dans ce qui semblait être en salon mais qui est en réalité l’unique pièce où vivent une dizaine de personnes.
Ils ont raconté, ils ont dits et redit leur histoire. Ils ont parlés près d’une heure, une heure pendant laquelle nous serrions nos mains l’une contre l’autre dans un réflexe de timidité ou d’impuissance, quelque chose d’indéfinissable…
Nous avons parlé à notre tour, nous avons expliqué notre projet et pourquoi nous étions ici.
Mais nous avons besoin de temps nous-mêmes pour y réfléchir. Il nous faut être clair avec nous-mêmes pour pouvoir l’être avec eux. Que pouvons nous faire ? Nous ne sommes pas des sauveurs, et parce que nous venons d’autres pays nous ne disposons pas de pouvoirs supplémentaires.
Ils nous ont offert un verre de limonade et des cigarettes. Nani a pu sortir sa caméra. Nous avons pris des photos des documents administratifs envoyés par la mairie. Nous avons convenu de revenir samedi pour passer la journée là-bas.
Mais il faut que ces deux heures passées à Pata Rat « redescendent », que nous filtrions les émotions pour pouvoir être concret et efficace.
Ce jour là, j’ai eu de bons contacts avec les femmes de la famille. Paloma a déjà travaillé avec des femmes gitanes lors de sa résidence à Tarragona. Je suis donc dans la continuité de son travail et je me réjouis d’avance des moments qui m’attendent avec ces mères de familles, ces jeunes femmes et ces grand-mères. Que vont t’elles me raconter ? Est ce qu’elles resteront sur l’histoire de l’expulsion en exprimant des choses bien maternelles, comme j’ai déjà pu en entendre cette fois là ? Certaines m’ont dit que leurs enfants n’avaient pas pu voir le père noël de l’école parce qu’ils ont du partir avant. D’autres m’expliquent qu’elles ne peuvent pas laver leurs enfants correctement parce qu’il n’y a pas d’eau chaude. Ce sont des émotions de mères.
Est ce que j’arriverais à installer suffisamment de confiance pour qu’elles me parlent de qui elles sont réellement ?
Carnet de résidence entre-deux : jeudi 20 janvier 2011
Entre deux résidences. Aujourd’hui, je pars pour Cluj-Napoca commencer ma troisième résidence de recherche. Je ne retrouverai pas Paloma qui, pour une très heureuse raison personnelle, a dû renoncer à se rendre en Roumanie. Mais elle a travaillé avec Fanny qui, elle, sera présente et je ne doute pas que nous parvenions tous les trois à nous organiser pour mener à bien le Passeport. Je relis donc avec d’autant plus d’attention les notes que j’ai prises à l’occasion de mon dernier entretien avec Paloma à Tarragona. Continue reading