Ce Carnet de résidence a été écrit avec l’idée de laisser des traces – aussi factuelles et légères soient-elles – de la manière dont j’ai vécu les résidences des « Correspondances Citoyennes en Europe » à Rennes du 27 septembre au 17 octobre 2010.
Lundi 27/09 :
Première journée en compagnie des deux artistes roumains impliqués dans le projet, leurs homologues espagnols devant arriver à Rennes vers 20h.
Notre nouveau collègue Mehdi fait ses débuts en tant que « facilitateurs de rencontres » entre les artistes résidents et les personnes qui habitent le quartier. Les échanges se déroulent alternativement en espagnol, anglais, français… Tous les intervenants pratiquent au moins deux langues. Malheureusement aucun de nous ne parle le Roumain. Andreea, notre amie roumaine vivant à Rennes, se joint à nous pour assurer l’interprétariat et éviter ainsi que les discussions qui demandent une compréhension précise et nuancée ne se satisfassent de notre anglais d’aéroport…
La sociologue Anne Morillon nous rend une première visite et propose une série de 3 temps d’échanges répartis sur les 3 semaines de résidence en présence de tous les résidents intéressés. Les mêmes thèmes seront abordés pendant les trois séances pour constater ou non, l’évolution des points de vue au fil des discussions. Si elle le souhaite, Anne précisera sur ce carnet de résidence, avec ses propres mots, les thèmes qu’elle a suggérés à l’équipe.
En fin de journée, Nani et Xavi arrivent enfin à Rennes les bras chargés de jamón serrano, un délice qui réjouit nos estomacs !
Mardi 28/09 :
Une première discussion a lieu entre les membres de l’équipe artistique sur les principes d’action de « Correspondances Citoyennes en Europe » et les projets de chacun dans le cadre proposé. Alors que l’équipe tortue souhaite prendre le temps – en réunion – de s’assurer que chacun a saisi en totalité l’esprit et les règles du jeu de « Correspondances Citoyennes », certains artistes aimeraient passer rapidement à l’action sur le terrain. Première incompréhension… vite mise de côté car il nous faut préparer pour le soir même l’inauguration du « Cabinet des Correspondances Citoyennes » à la bibliothèque du Triangle. Entre les dernières préparations, l’écriture d’un petit discours de bienvenue, l’accueil des invités et les sollicitations des journalistes, peu de temps pour souffler. Moi qui espérais consacrer une partie de ma journée à rédiger les perspectives de l’association pour la période 2011-2013 (à la demande de la ville de Rennes, en vue du renouvellement de notre convention), je n’ai plus qu’à me lever tôt mercredi pour m’y mettre avant qu’une nouvelle journée de travail en équipe remplisse mon agenda…!
Mercredi 29/09 :
Les discussions autour des modalités de contractualisation avec certains artistes me prennent une partie de la journée. Mes propositions pour régler ces aspects délicats et ennuyeux en amont n’ont pas abouti avant l’été, nous nous retrouvons donc pour discuter de détails réglementaires et législatifs sur les cessions de droits d’auteur…
Je profite de cette journée chargée en travail administratif pour rassembler sur mon après-midi quatre rendez-vous visant à concrétiser nos partenariats en région lors de la restitution de ce projet européen, notamment avec le Musée de Bretagne, les sociologues de Topik, la Maison Internationale de Rennes, ainsi que la Maison de l’Europe de Rennes. Dans la foulée, s’intercalent un entretien avec l’agence d’urbanisme de Rennes Métropole (AUDIAR) et le dépôt de notre dernier ouvrage – « Partir » – au centre d’art contemporain de Rennes. J’apprends avec surprise en discutant avec le directeur de cet équipement municipal qu’il s’apprête à candidater au programme « Culture » de la Commission européenne avec notre partenaire roumain Altart.
Ma journée se termine par une discussion téléphonique avec Thierry Deshayes, étudiant en sociolinguistique. Nous convenons de travailler ensemble sur l’analyse de « Correspondances Citoyennes en Europe », les entretiens qu’il réalisera dans ce cadre lui serviront notamment à alimenter son mémoire de Master 2.
Jeudi 30/09 :
Dernier jour du mois, jour de paie ! Ma journée s’organise majoritairement en dehors de notre projet européen, entre l’établissement des fiches de paie, les déclarations de cotisations sociales, le paiement des salaires, la rédaction des CDD du mois suivant, etc. Tant que je suis dans la paperasse et les chiffres, je boucle une première version de notre budget général pour 2011.
Nos amis du Strat’Collectif, qui occupent l’appartement juste en dessous du nôtre, montent d’un étage vers 14h à la recherche de conseils en gestion de trésorerie.
A 16h30 nous terminons une discussion (en anglais) sur la cession de droits d’auteur.
A 17h30, rendez-vous chez nos voisines de pallier, Triplettes & Cie, pour une nouvelle séance de mutualisation d’outils et de compétences. Nous avons pris l’habitude depuis quelques temps de partager nos savoir-faire, au menu aujourd’hui : le montage de coproductions théâtrales…
Vendredi 01/10 :
Pour les besoins de la recherche artistique de Xavi, architecte et peintre de Tarragona, je pars à la recherche de plans informatiques du quartier du Blosne au format .dxf, compatibles avec le logiciel AUTOCAD. Après avoir été renvoyé de bureaux en secrétaires, je finis par tenir au bout du fil le chargé d’opération de la ville de Rennes pour le projet urbain du Blosne. Nous nous sommes croisés à plusieurs reprises, une sympathie réciproque s’est installée entre nous, notamment depuis un voyage d’étude commun au printemps. Il a la gentillesse de s’intéresser au projet, et s’engage rapidement à obtenir les plans dont Xavi a besoin pour construire les villes imaginaires qui seront le support de ses Correspondances.
En fin de matinée, Fanny, Paloma et moi partons pour « La Cour des Miracles », café-librairie du centre-ville, où nous avons prévu d’installer l’exposition de photos liée à notre dernière édition : « PARTIR – Esguards, miradas, regards ».
Dans l’après-midi, je profite d’un nouveau passage par le centre-ville pour opérer le retrait en liquide destiné à rembourser les frais de transports des artistes roumains en résidence (pour éviter les frais bancaires supplémentaires, dus – paraît-il – à l’absence de convention entre la France et la Roumanie sur les échanges bancaires… L’Europe n’est pas encore la même pour tous semble-t-il, notamment quand on s’approche des Carpates).
Dimanche 03/10 :
A 16h, notre équipe se réunit pour une discussion autour des trois thèmes proposés par Anne Morillon. Nos échanges s’engagent sur la question des « frontières ». Fanny prend des notes, je m’efforce pour ma part de traduire les idées avancées par les uns et les autres, en jonglant comme je peux – et avec toutes les imprécisions d’un non-spécialiste – entre l’anglais, le français et l’espagnol. L’approche qu’Anne a retenue pour initier les débats semble faire ses preuves, la discussion s’enrichit des récits d’expérience des résidents « au travail » et de leur vision personnelle sur les thèmes proposés.
Je ne vais pas plus loin sur ce point, sachant que Fanny va nous proposer un compte-rendu de cette discussion.
Lundi 04/10 :
Xavi me sollicite pour assurer l’interprétariat espagnol-français de la discussion qu’il a prévue avec son premier « Correspondant », André Sauvage, habitant du quartier depuis 30 ans et sociologue de profession. Tous les deux parlent anglais, mais pour avoir une discussion plus fine ou plus approfondie, tous deux choisissent de s’exprimer dans leur langue maternelle.
L’idée de Xavi consiste à saisir auprès de ses Correspondants les émotions discrètes que leur procure la ville, l’urbain, en vue de fabriquer avec eux des cités imaginaires. Sa double compétence de peintre et d’architecte lui permet de jouer avec ces visions sensibles et métaphoriques de la ville. Au mois d’avril dernier, à titre d’expérimentation, il avait déjà réalisé avec ses premiers Correspondants « Cité Marouane », « Cité Enzo » et « Cité Paloma ».
André se prête très facilement au jeu et partage avec nous plusieurs anecdotes vécues. Si la compréhension du sens des mots passe bien sûr par l’interprétariat, il paraît évident que la complicité qui s’installe entre ces deux « rêveurs » tient beaucoup plus aux regards qu’ils échangent, aux blagues qui se passent de traduction, aux gestes de leurs mains, etc. Je prends beaucoup de plaisir à vivre avec eux ce moment de travail qui repose avant tout sur la qualité de leur relation humaine. J’ai le sentiment très net d’être au cœur du projet, c’est ici que cela se passe !
La suite de la journée sera plus agitée. L’une des artistes en résidence depuis une semaine décide de quitter le projet. Nous n’avons pas réussi à trouver avec elle une manière satisfaisante pour coopérer. L’année dernière déjà elle nous avait fait faux bond au moment où nous devions l’accueillir en résidence au Blosne. Je m’interroge sur son envie et sa capacité à s’adapter aux règles du jeu de « Correspondances Citoyennes », qui ne sont pas les siennes d’habitude. Les dimensions expérimentale et collective de ce travail artistique l’ont-elles mise en difficulté, au point de la forcer à trouver une porte de sortie ? Je ne sais pas vraiment…
Le déroulement des autres résidences nous laisse peu de répit, deux nouveaux intervenants arrivent au Blosne en milieu de journée. Claire est doctorante en sociolinguistique, elle démarre une résidence d’une semaine et prend ses quartiers dans la chambre restée libre au 1er étage. Romain est plasticien et dessinateur, il est à Rennes pour quelques jours seulement, qu’il mettra à profit pour réaliser une série de croquis. Ses dessins trouveront leur place dans le livre que nous éditerons en juillet prochain, ainsi que sur le site internet dédié au projet.
Romain, Fanny et moi-même passons la soirée avec notre équipe de résidents, l’ambiance est plus que conviviale. J’ai l’impression qu’une véritable dynamique d’équipe s’est finalement installée.
Mardi 05/10 :
Dès 9h, Nani et moi nous installons devant un café pour discuter des rencontres qu’il a faites pendant la semaine. Depuis 8 jours, il s’est beaucoup appuyé sur Mehdi, qui, puisqu’il y a grandi, connaît le quartier comme sa poche. Les récits collectés par Nani prennent la forme d’entretiens filmés avec des personnes auprès desquelles Mehdi l’a introduit.
Plus tard je verrai Xavi, puis Claire. Au fur et à mesure de nos discussions, je me rends compte qu’un point essentiel de « Correspondances Citoyennes » n’a pas été bien saisi par certains résidents. La place du destinataire : si la « Correspondance » est bien le fruit du travail conjoint d’un artiste résident et d’une personne habitant le quartier, une troisième personne joue également un rôle irremplaçable dans ce projet : c’est le destinataire de cette « Correspondance ». Il est désigné par le binôme d’expéditeurs. Pour illustrer cette idée, je discute avec Nani puis Xavi du travail de Paloma et de Marine Bachelot. Par le passé, toutes les deux ont créé des « Correspondances » qui prenaient tout leur sens grâce aux destinataires qu’elles avaient choisis. Sans doute que nous n’avions pas été suffisamment explicites sur ce point, je prendrai donc le temps avec chacun de faire quelques pas en arrière, au cas où.
En fin de journée, nous organisons une présentation publique du livre « Partir » au Cercle Paul Bert Landrel. Environ 25 personnes sont présentes, certaines ont participé à la réalisation de l’ouvrage, d’autres viennent par curiosité. Un débat s’engage sur l’altérité, la représentation de l’autre, le cosmopolitisme dans les villes d’Europe telles que Rennes.
A 20h, je quitte Le Blosne avec Fanny pour participer à une dernière réunion au bar coopératif « La Vie Enchantiée ». Nous y retrouvons nos amis de Parasol et du Pavé pour organiser les derniers préparatifs de notre manifestation du 9 octobre sur la place de Prague. Ce samedi-là promet d’être bien rempli, du matin au soir, entre montage et démontage, nous souhaitons sensibiliser et mobiliser les habitants du quartier sur les transformations urbaines dont leur proche environnement va faire l’objet. Cette journée viendra clore une série d’actions menées depuis le mois de mai avec le concours d’artistes, de militants de l’habitat solidaire et de l’éducation populaire. Affaire à suivre.
Jeudi 07/10 :
Dans le cadre de sa résidence de recherche, Claire me propose en début de journée un court entretien sur les acteurs de notre projet, mon rôle au sein de celui-ci, la place et l’usage des langues dans notre expérience collective, etc. En interrogeant successivement les résidents, elle se constitue un corpus d’enregistrements sonores qui lui serviront de matière première en vue de réaliser un article de recherche.
A 10h30, j’accompagne Mehdi à la traditionnelle visite médicale de début de contrat de travail. Exercice pas toujours plaisant, surtout quand il faut aller se perdre dans le labyrinthe de la zone industrielle de Chantepie pour trouver les locaux de la médecine du travail…
Retour au Blosne pour 12h, j’accueille Liselotte Guy, étudiante à Rennes, qui m’a été présentée par Thierry Bulot comme une personne susceptible d’être intéressée pour travailler avec nous sur l’analyse de « Correspondances Citoyennes en Europe ». De la même manière que Thierry Deshayes, elle se servira de cette expérience de terrain pour alimenter son mémoire de Master. Décidemment, notre collaboration avec le laboratoire de socioloinguistique de l’université Rennes 2 – PREFics – est riche de nouvelles rencontres profitables pour tous.
A 13h, nous démarrons le second temps de discussion initié par Anne Morillon. Cette fois, les échanges s’organisent autour de l’influence réciproque de nos pratiques professionnelles sur celles des autres. En réunissant des artistes, des chercheurs, des organisateurs, etc. venus d’Espagne, de Roumanie et de France, la combinatoire des agencements professionnels reflète immanquablement le très grand nombre de possibilités de collaboration entre des univers sociaux, professionnels, culturels distincts.
Pascal Nicolas-LeStrat, politiste à Montpellier, nous rejoint en milieu d’après-midi. Après avoir assisté à la fin des échanges sur le projet artistique de Nani qui convoque certains outils familiers à l’entretien sociologique, Pascal et moi partons marcher dans le quartier. C’est l’occasion – précieuse – de reparcourir avec lui les faits marquants des dix premiers jours de résidence.
En fin de journée, courte session de transfert d’informations et de compétences auprès de nos amis du Strat’Collectif. Ils ont créé deux emplois au sein de leur association en septembre dernier, et s’organisent à présent petit à petit pour gérer les mille et une inquiétudes liées aux déclarations sociales, au manque de trésorerie, etc.
Vendredi 08/10 :
Tôt le matin, je passe prendre Fanny chez elle pour partir au Blosne, nous empruntons sa voiture au passage, c’est un Renault Espace vidé de ses sièges arrières qui nous servira à transporter le matériel nécessaire à notre manifestation du lendemain, place de Prague. Passage éclair aux Ateliers du Vent pour récupérer le courrier distribué à l’adresse de notre siège social. Sur le trajet, arrêt minute à la banque pour retirer une somme en liquide destinée à rembourser les frais d’impression photographique d’Andrei.
A 11h, Bernard Boudic, directeur de la revue « Place Publique » vient rencontrer Fanny pour découvrir les détails de notre projet. Il propose à l’association de produire un article de 15000 signes d’ici au 20 novembre. Fanny se montre très intéressée par l’exercice, elle imagine déjà la façon dont elle pourrait inviter les artistes et chercheurs en résidence à contribuer à son écriture.
A 14h, Paloma me demande de servir d’interprète lors de la discussion qu’elle a programmée avec Andrei, Xavi, Fanny, Claire, Pascal et Anne, autour de son propre projet de résidence artistique. En invitant chaque personne pour ses compétences et sa sensibilité spécifiques, Paloma espère réaliser une œuvre nourrie par les contributions d’un maximum de résidents. Son projet, comme toujours, est très ambitieux. Elle sait mobiliser autour d’elle les personnes et les ressources nécessaires à l’aboutissement de son idée. Nul doute que ce projet saura par la suite s’émanciper de « Correspondances Citoyennes », tout en ayant joué le jeu des Correspondances à 100%, avec une véritable envie de construire du commun au sein de notre équipe hétéroclite.
En fin de journée, quelques voyages aux services techniques de la ville pour récupérer la tente, la sonorisation, les tables et bancs qui nous serviront le lendemain…
Samedi 09/10 :
Grande journée ! …partiellement déconnectée des « Correspondances Citoyennes en Europe » car nous organisons une manifestation avec l’association Parasol et la SCOP Le Pavé pour tenter de mobiliser les habitants de la place de Prague autour du projet urbain du quartier.
Entre le concert de nos amis marocains (qui répètent dans les locaux de L’âge de la tortue), les « Porteurs de Parole » proposés par Le Pavé, et le questionnaire provocateur initié par Parasol et Bouèb, peu de temps pour souffler… Xavi me demande d’assurer l’interprétariat d’une seconde séance de travail entre lui et André Sauvage. Les deux Correspondants se mettent au travail, je suis de nouveau ravi de contribuer à la coproduction de leur ville imaginaire. Xavi présente l’état d’avancement de son travail, André réagit en essayant de préciser les émotions que lui procure sa ville, matière première sensible qui servira à réaliser la Correspondance à venir…
Le soir venu, après deux heures de démontage, une discussion des plus sympathiques démarre autour d’un verre dans les locaux de notre association. Langues régionales, en Catalogne et en Bretagne, sont au cœur des débats. Les similitudes et surtout les écarts entre les faits linguistiques dans ses deux régions sont passionnants. Je prends beaucoup de plaisir dans cette discussion (en espagnol et en français !). Une occasion supplémentaire de constater que le politique (au sens collectif du terme) m’intéresse toujours davantage, alors que la politique (au sens médiatico-démagogique des dérives de notre époque) me désole de plus en plus chaque jour.
Dimanche 10/10 :
Une belle grasse matinée ! Je l’attendais depuis bientôt trois semaines, quel bonheur de prendre son temps autour d’un petit déjeuner…
Puis passage au Blosne, en début d’après-midi, pour esquisser un bilan de résidence avec Claire pour qui la résidence se termine aujourd’hui et qui regagne ses pénates en soirée. Quelques perspectives pour un prochain travail en commun se dessinent. Claire prendra le temps d’analyser toute la matière qu’elle a collectée, avant de décider de la forme (et de l’éventuelle adresse) de sa production. Peut-être une nouvelle forme de « Correspondance » en gestation…
Xavi est rentré ce matin en avion à Tarragona. Son activité professionnelle ne lui permet malheureusement pas de rester 3 semaines avec nous…
Un sympathique moment d’échange avec Pascal autour des trois premiers articles de son Carnet de résidence (habituellement, son « journal de recherche »). Je reste admiratif de sa capacité à formuler son analyse de manière à la fois aussi dense et aussi claire. Les phrases sont courtes, le vocabulaire précis sans être réservé aux seuls spécialistes, le tout se tient très bien, va droit au but, sans ambiguïté, et toujours avec humilité.
Chapeau !
Lundi 11/10 :
Nos partenaires représentant l’Espagne et la Roumanie arrivent à Rennes mercredi, d’ici là je m’efforce d’organiser nos temps de travail à venir. Les personnes du comité de pilotage ne sont pas faciles à réunir, chacune devant jongler avec son agenda professionnel et familial. Istvan et Ignasi tiennent à rencontrer tous les membres du comité, notre agenda collectif s’organise donc en conséquence, les journées de jeudi, vendredi et samedi promettent d’être bien remplies !
De 9h à 10h, petite session de transfert de compétences pour l’association L’œil d’Oodaaq, nouvel acteur culturel dans le paysage des arts visuels rennais.
A 10h, restitution du matériel emprunté à la ville de Rennes pour notre manifestation de samedi.
A 11h50, Pascal et moi rejoignons (avec un peu de retard) Thierry Bulot, coordinateur scientifique de notre projet, au restaurant de la Biocoop de Cleunay (la cantine du lundi pour Thierry). C’est l’occasion qu’ils se rencontrent, c’est aussi un moment qu’avait souhaité Pascal pour discuter de l’internationalisation des Master. Face aux dérives entrainées par la réforme LRU sur l’autonomie des universités, nous nous retrouvons autour de valeurs que nous semblons défendre tous les trois. Ce repas me laisse le souvenir d’un moment précieux, une expérience à réitérer.
En fin de journée, Pascal et moi nous rendons à l’hôtel de ville pour rencontrer Sylvie Robert, vice-présidente de Rennes Métropole chargée entre autres de la culture. L’idée est de clarifier avec elle ce que nous espérons de sa présence parmi nous vendredi prochain. Après quelques minutes de doute, elle semble être rassurée au moment où je lui dis que l’objectif de la rencontre de vendredi consiste simplement à formuler collectivement les problématiques qui nous serviront à organiser des débats publics au printemps prochain.
En sortant de l’hôtel de ville, Pascal et moi prenons un verre pour « débrieffer ». C’est aussi l’occasion de revenir sur des morceaux de nos parcours personnels. Au détour de la conversation nous nous arrêtons sur les questions de laïcité. Le sujet me passionne depuis quelques temps déjà. Je lui recommande la (très saine) lecture du rapport Bouchard-Taylor, réalisé au Québec sur les accommodements raisonnables et les ajustements concertés, comme manières de se saisir publiquement des différences culturelles. J’ai ici une pensée pour Jean-Michel Lucas, qui m’a fait découvrir ce texte (et bien d’autres encore !), et qui continue à nourrir ma réflexion avec ses propres écrits (Jean-Michel, quand vas-tu sortir ton bouquin ??!!)
Mardi 12/10 :
Jour de grève ! Les cortèges de manifestants à Rennes comme ailleurs promettent d’être denses et longs. La grève est annoncée « illimitée » par certains syndicats. Avant de rejoindre Fanny, Andrei, Pascal et Nani dans la manifestation, je rédige chez moi les articles quotidiens de ce carnet de résidence que je n’ai pas eu le temps de produire au jour le jour.
Devant le Palais Saint-Georges, vers 13h30, nous retrouvons Jérémy Véron, vidéaste ayant participé lui aussi aux « Correspondances Citoyennes » en 2008. Aujourd’hui il représente les organisateurs du festival de cinéma de Douarnenez. Notre idée commune est d’aller présenter en août prochain dans le Finistère le film documentaire que va réaliser Nani sur notre projet. Les choses ont l’air de bien s’engager, nous recevrons des nouvelles du festival prochainement.
Je passe finalement le reste de l’après-midi à terminer mon Carnet de résidence, ouf ! le retard est rattrapé… J’ai l’intuition que j’aurais regretté de ne pas avoir gardé ces traces de notre expérience, aussi factuelles et légères soient elles.
Mercredi 13/10 :
Comme je m’en doutais au début de cette série de résidences rennaises, la fin du séjour va être bien remplie, les temps de travail s’enchainent les uns après les autres. A peine le temps de souffler, entre les réunions du comité de pilotage, les discussions avec l’ensemble de l’équipe, les passages à la banque, etc. Mon carnet de résidence se transforme alors en énonciation lapidaire des actes marquants de la journée…
La journée démarre par la préparation des chambres d’Istvan et Ignasi. Paloma a réunit les draps et taies d’oreillers à laver, je les embarque chez moi pour une tournée de lessive. Un coup de balai, et je dépose dans chaque chambre un exemplaire du livre « Partir », un flyer de notre exposition installée à la bibliothèque, le livret qui présente les anciens travaux d’artistes résidents, et un trousseau de clés des appartements.
A 11h, avec un peu de retard, nous démarrons avec Thierry Deshayes, Pascal et Fanny une discussion autour de l’élaboration d’outils d’analyse de notre projet. En 1h30, nous balayons l’ensemble des questions qui se posent, proposons des ajustements de la méthode préalablement imaginée, de la liste d’indicateurs et des questions qui serviront à conduire des entretiens auprès des différents acteurs du projet. J’ai l’impression d’une bonne session de travail, efficace et sympathique !
A 12h30, Catherine Macé, chanteuse et musicienne, vient à la tortue chercher quelques conseils sur la conduite de son projet artistique. Elle nous avait sollicités cet été pour l’aider à construire des outils de gestion de son projet (dossier de subvention, budget prévisionnel, etc.). Ses récentes rencontres avec de potentiels financeurs l’amènent à se poser des questions, nous discutons ensemble de la stratégie à conduire pour les mois à venir.
Il est 13h, je reçois un coup de fil d’Isabel Andreen, c’est la personne qui nous a aidés à monter notre dossier pour la commission européenne. Elle m’invite à me joindre à un dîner dimanche avec des meneurs de projets européens présents actuellement à Rennes pour un séminaire de formation. Je me joindrai à eux avec plaisir.
L’heure de départ de l’avion d’Andrei vient de changer, il lui faut donc changer son billet de train, il me demande si je peux m’en charger, lui-même n’ayant pas de carte bancaire à Rennes. Par la même occasion, il m’explique que le groupe de Tchétchènes avec qui il a travaillé dans le cadre de ses « Correspondances » est à la recherche d’un ordinateur pour leur cours de langue. Il se trouve que mon vieil ordinateur est à la tortue et qu’il ne sert à personne, nous vérifions alors ensemble le matériel afin de le leur offrir.
Yacine, directeur exécutif des Ateliers du Vent, vient de m’envoyer un mail pour demander un conseil sur un calcul de salaire pour le cuistot qu’il vient d’embaucher en CDD. La comptable de son association n’étant pas là aujourd’hui, il passe naturellement par notre petit réseau de proximité pour régler ses questions. Solidarité interprofessionnelle ? Peut-être. Solidarité entre amis sans doute d’abord.
Nani s’apprête à retrouver son second correspondant, il prépare pour cela un questionnaire qu’il me demande de traduire en français. Je m’exécute rapidement, c’est de toute évidence prioritaire, dans la dernière ligne droite de sa résidence.
Dans l’idéal, je voulais trouver le temps aujourd’hui de préparer dans le détail le cadre de notre discussion collective en présence des élus Frédéric Bourcier et Sylvie Robert pour vendredi… C’était sans compter sur les demandes de coup de main qui me sont tombées dessus dans la journée (et auxquelles, comme souvent, je n’ai pas su dire « non »…). Je ferai donc ça demain, peut-être dans l’urgence, ce n’est jamais idéal, mais ça ira…
Et je file à l’hôtel d’agglomération, où Samuel (association Parasol) et moi-même sommes attendus pour témoigner de notre initiative liée au projet urbain du Blosne sur le secteur Prague-Volga. Notre auditoire occasionnel ne sera pas déçu, Samuel et moi avons prévu d’expliquer pourquoi il nous semble que jusqu’ici les conditions (politiques notamment) ne sont pas réunies pour innover en termes de « participation des habitants » dans ce projet urbain. Nous ne nous sommes pas faits que des amis en apportant cette contradiction, mais repartons sans regret. Selon nous, sans marge de manœuvre clairement établies dès le départ pour les habitants, les pouvoirs publics ont toutes les chances de constater que ces mêmes habitants ne se risqueront pas à passer du temps dans un dispositif « participatif » qui ne leur inspire pas confiance.
Istvan et Ignasi, coordinateurs de notre projet pour la Roumanie et l’Espagne, arrivent ce soir, je repasse rapidement à la tortue pour leur donner les « per diem » qui couvrent leurs frais de séjour à Rennes.
Jeudi 14/10 :
Une journée bien chargée, comme je pouvais m’y attendre…
9h: réunion des coordinateurs à propos de cette première série de résidences à Rennes. On y évoque le départ d’une artiste lors de la première semaine et la possibilité de la remplacer pour la résidence de Tarragona. Il est aussi question des doutes de Paloma pour continuer à assurer la coordination artistique du projet avec Istvan. Ce premier temps de travail est l’occasion de se redire que l’on a besoin de mieux communiquer entre nous pour éviter les incompréhensions à l’avenir. J’en sors rassuré.
11h: Larys Frogier, directeur du centre d’art contemporain La Criée, se joint à nous pour visiter nos locaux, discuter du projet et rencontrer Istvan avec qui il s’engage sur un nouveau projet de coopération européenne en 2011.
13h45-15h: L’équipe de coordination rencontre Maïwenn Furic à propos de notre budget, on choisit entre autres de financer prioritairement la venue de tous les intervenants à Rennes pour la restitution de notre projet. D’autre part, Pascal nous demande si l’on peut s’organiser pour qu’une personne francophone et roumanophone puisse travailler avec lui en binôme lors des prochaines résidences. On s’organise pour que cela soit possible, Andreea pourrait peut-être jouer ce rôle, on se renseignera sur ses disponibilités.
16h-18h: troisième discussion collective avec Anne Morillon. Frédéric Bourcier, adjoint au Maire chargé du quartier du Blosne, participe aux échanges.
18h30 : Je fais un tour rapide aux 40 ans du comité de quartier du Blosne. Discussion avec les personnes présentes à la réunion de la veille sur la concertation autour du projet urbain du Blosne. J’en profite pour regarder l’exposition de photos sur la construction du quartier.
19h: Nous présentons comme prévu en centre-ville le livre “Partir- regards” autour d’un punch à “La Cour des Miracles”.
Pour terminer cette journée bien remplie, Pascal, Marie-Pierre et moi partons dîner au Tire-Bouchon. Ce rendez-vous – très agréable – se ritualise. On en profite pour faire le tour des sujets politiques du moment, en écorchant au passage les inconséquences de certaines politiques locales…
Vendredi 15/10 :
8h : Rendez-vous avec Ignasi et Istvan, autour de trois cafés-croissants, pour prendre le métro et rejoindre Thierry Bulot à Villejean. Nous discutons de l’organisation éventuelle d’un séminaire à Rennes en avril sur le thème « Discriminations / Identités / Altérité / Langues ». L’idée serait de réunir sur trois demi-journées les chercheurs et artistes associés au projet. Cela nous amènerait à décaler du 9 mai au 8 avril notre restitution à Rennes. Faisable, à confirmer…
11h-12h15: Réunion de coordination à propos des résidences de Tarragona et de Cluj, ainsi que de l’édition du livre, de l’organisation des restitutions au printemps 2011, des comités de relecture, etc. Nous évoquons l’hypothèse de poursuivre nos actions de coopération par une candidature au programme “Culture” de la Commission européenne en septembre 2011. Let’s talk about that during the next Spring…
14h30-15h30: Réunion à propos des outils d’analyse de notre projet. Nous nous accordons sur la validité du travail en cours. Ignasi et Istvan regardent de leur côté s’il est possible de mobiliser des étudiants pour travailler avec nous sur ce sujet en Roumanie et en Espagne.
16h-18h: Dernière séance de discussion collective, en présence d’Anne Morillon, Pascal, Mehdi, Paloma, Nani, Ignasi, Istvan, Fanny, Sylvie Robert, Frédéric Bourcier et moi.
19h-00h: Dernière soirée, dîner ensemble, spécialités locales : calvados et palinka !
Samedi 16/10 :
11h: Discussion avec Paloma, Istvan et Ignasi à propos de la coordination artistique et des principes de communication et de décision entre nous. J’en ressors rassuré, et très heureux de voir que Paloma est de nouveau d’attaque pour porter la coordination de ce projet avec nous.
Andrei part à 9h… Pascal part à 14h… Istvan part à 18h… Nani et Ignasi vont à St Malo avec Paloma et partent dimanche à 6h du matin…
J’essaie de terminer les petites choses qu’il me reste à caler pour pouvoir véritablement mettre de côté mon « boulot » pendant quelques jours et prendre un peu de repos…
Ouf…
Mais quel sentiment étrange, après tant d’agitation pendant trois semaines, de se retrouver au calme pour rédiger ce carnet de résidence, tout seul dans les appartements tout juste désertés de L’âge de la tortue…